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14 décembre 2015 1 14 /12 /décembre /2015 20:38

Commençons avec un événement. Un événement qui a eu lieu aujourd’hui, tôt dans l’après midi, à la jonction Gan Shmuel. A une vigie routinière de « Femmes en Noir, entre 13 et 14 h, étant moi-même parmi elles.

 

Trois très jeunes hommes roulent près de nous, nous lançant une série de jurons, auxquels nous sommes fort habituées. Quelques minutes plus tard, ils reviennent de la direction opposée, tournent à gauche dans le centre commercial derrière nous, criant de nouveau contre nous et nous souhaitant mortes. Un moment plus tard, ils apparaissent sur le trottoir où nous nous trouvons, l’un avec un drapeau israélien, l’autre en train de filmer. Celui avec son drapeau descend du trottoir et danse devant nous, risquant sa vie dans le trafic, sautillant et sautant, en agitant son drapeau et rugissant « le peuple d’Israël vit !», essayant de s’approcher près de nous. Quand je recule, il avance encore davantage, me touchant presque. Autour de nous des autos sont arrêtées au feu rouge. Au mieux, les conducteurs ignorent la scène. Plus généralement, ils klaxonnent, applaudissent, acclament et crient que c’est ce qu’on mérite, en faisant des gestes obscènes. Une seule dame, hors du commun, baisse sa vitre et dit au jeune homme « mais pas de violence ! » Son copain filme la scène et ils nous crient tous les deux que nous sommes à blâmer pour tous les coups de couteau et les écrasements et les meurtres et pourquoi nous ne manifestons pas contre CELA et ils nous souhaitent mortes…

 

J’étais simplement perdue. Je ne savais pas quoi faire. J’étais choquée.

 

Un homme s’est approché avec une caméra, leur dit qu’il veut filmer aussi. Ils lui offrent un grand spectacle et alors il leur dit qu’il est journaliste et qu’il les a filmés pour le montrer à la police et rendre public qu’ils sont violents et dangereux. Il fait aussi venir la police. Ils se volatilisent immédiatement. La police arrive et finalement la police nous réprimande. (Avez-vous un permis ? Qui est responsable ? Si vous n’introduisez pas une plainte, que voulez-vous ? Pourquoi êtes-vous cyniques ?).

 

Je suis née en 1966. Un an avant la Guerre des Six jours. J’ai grandi avec l’occupation. Jusqu’au moment où j’ai achevé mon service militaire, je n’avais pas d’identité politique. Le jour après ma démobilisation, la première Intifada a éclaté. Je me suis mise à demander, à penser, à avoir des opinions et j’ai découvert que j’étais de gauche.

 

Un bond dans le temps.

 

Pendant l’Opération du bouclier défensif, j’ai rejoint les « Femmes en Noir » à la jonction Gan Shmuel. Comme je l’ai mentionné plus haut, chaque vendredi entre 13 et 14h. C’est une brigade de vétéranes qui y tient une vigie depuis plus de 25 ans maintenant. Nous ne sommes pas nombreuses et pas si jeunes. J’ai déjà révélé mon âge, et je suis une des plus jeunes.

Ce n’est pas facile de s’y trouver toutes les semaines. Cela ne sert pas à grand-chose non plus, semble-t-il. Réellement ?

 

Au cours des années, j’ai expérimenté toutes sortes de moments déplaisants. On m’a jeté des œufs, une pierre m’a touché e à la tête, nous avons été insultées sans arrêt…Cela est routinier et familier et nous nous soutenions plus ou moins nous-mêmes contre cela. Nous répondons à nos assaillants de différentes manières, mais au moins je me dis à moi-même que notre présence Sisyphéenne hebdomadaire est surtout pout notre propre bien. Ainsi, nous n’oublions pas l’occupation. De sorte que le mot occupation ne soit pas effacé du vocabulaire de l’espace public. Des enfants grandissent sans savoir qu’il y a une occupation en cours. Et comment le sauraient-ils si on ne le leur enseigne pas. C’est arrivé quand j’étais un bébé, et comme je l’ai déjà dit, je n’étais pas toute jeune moi-même. Et en fait on ne me l’avait pas enseigné non plus…

 

A chaque escalade, dans le temps, la situation se reflète à la jonction. Les insultes deviennent plus lourdes, la colère contre nous bouillonne – comme si nous, en étant là, sommes la cause des attaques terroristes, de la violence. Comme si nous n’étions pas des citoyennes de cet état. Comme si nos enfants ne sont pas dans le même système scolaire qui les envoie dans l’armée. Les gens nous veulent du mal, nos familles blessées. Alors nous saurons… ! (Malheureusement certaines femmes qui sont là avec moi ont expérimenté des attaques terroristes, même en étant victimes, elles insistent en disant – assez !).

 

L’événement d’aujourd’hui m’a choquée. J’étais terriblement effrayée. J’avais peur qu’ils allaient perdre tête. A un autre moment ils allaient me toucher. Me faire du mal. Et je ne le voulais pas. Pas pour moi, pas pour eux. Pas pour toute personne les attendant à la maison, ni pour ceux

qui m’attendaient à la maison.

Je me sens au bord du précipice. Je suis très effrayée pour moi-même, mais aussi pour nous toutes. Comment une telle violence, pour une opinion et bien sûr contre des femmes, peut-elle être acceptée avec autant de sympathie ? (Auraient-ils sauté sur nous comme cela si un homme se tenait avec nous ? J’en doute. Après tout quand le journaliste s’est présenté et s’est opposé à eux, ils se sont simplement volatilisés.

 

Bien que j’ai peur d’y retourner, je pense que je le devrais. Que cette voix à nous devrait être présente. Même si elle est impopulaires maintenant. Les gens doivent savoir qu’il y a encore toujours une occupation en cours. Que nous opprimons encore toujours presque deux millions de personnes. Et que cette oppression exige des prix terribles, sans parler d’être totalement immorale.

 

Elle nous corrompt, nous rend involontairement violents. Elle met nos enfants en danger et nous tous au niveau quotidien de la sécurité personnelle, ainsi que dans le sens plus profond de quelle sorte de société nous sommes. Ce qui est arrivé aujourd’hui (et arrive sûrement tout le temps à d’autres) a révélé le tableau d’une société violente qui menace des femmes, des opinions, des minorités et des personnes plus faibles avec un irrespect fondamental, une absence d’appréciation, brutalement, cruellement et grossièrement.

 

Je ne trouve plus mes mots.

 

Hadass - femmes en Noir Israël

 

*****************************

 

Chère Lieve, chère Dafna, je sens comme vous, rien que de l’impuissance, nous tenons toutes nos vigies spirituellement nous sommes vos alliées.

J’ai rejoint les Femmes en Noir à la conférence de Jérusalem, inspirée par vous, par Gila, par Lily et toutes les femmes courageuses qui prêchent pour la paix et la compréhension dans le ventre même de la bête.

J’ai suivi nos sœurs courageuses de Serbie jusqu’en Bosnie et nous avons marché ensemble avec les femmes bosniaques, beaucoup de paysannes survivantes de Srebrenica. J’ai marché souvent aves les Mères et les Grands-mères de Mai qu’on disait folles mais leur travail a payé car l’autre jour elles ont trouvé un autre garçon volé qui avait été volé à sa mère en 1975, quand elle avait été emprisonnée et il a eu suffisamment de chance de trouver sa mère en vie, d’autres ne trouvent que leurs grands-mères.

J’ai rencontré Rigiberta Menchu au Guatemala et elle m’a parlé des tombeaux de masse où elle est allée pour trouver si ses membres de sa famille y étaient.

Dafna, svp, ne te sens jamais seule, les Mères de Mai et les veuves de Srebrenica et les Indiens du Guatemala et les mères de Tchétchénie et nous toutes nous tenons toutes la vigie avec vous.

Rachel Corrie qui avait été tuée pendant ma visite à Gaza, à une heure de l’endroit où nous nous trouvions, elle est aussi à Gan Shmuel chaque fois que vous y êtes.

In love and solidarity
Ana

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