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22 décembre 2015 2 22 /12 /décembre /2015 21:42
    Hana Shalabi après sa libération, posant pour les caméras dans l’hôpital Al-Quds à Gaza le 2 avril, 2012

Hana Shalabi après sa libération, posant pour les caméras dans l’hôpital Al-Quds à Gaza le 2 avril, 2012

Pendant sa grève de la faim, qui a duré exactement 47 jours, Hana Shalabi n’a jamais réussi à dormir plusieurs heures d‘affilé. Les premiers jours, elle s’assoupissait un peu, mais la crainte qu’on en profite pour lui faire du mal la réveillait en sursaut.

 

Au bout d’une semaine où elle n’avait rien pris d’autre que quelques gorgées d’eau chaque jour, son corps a tout simplement cessé de fonctionner normalement. Au lieu de dormir, elle se mettait à délirer, en proie à des hallucinations fiévreuses où les souvenirs et l’angoisse de l’avenir se mélangeaient en une symphonie de terreurs nocturnes.

 

J’ai interviewé Hana récemment pendant des heures, au cours de plusieurs entrevues, pour essayer de comprendre ce qui l’avait poussée à risquer sa vie pour obtenir sa liberté conditionnelle dans la bande de Gaza. Je voulais faire de son histoire un emblème de l’utilisation des grèves de la faim comme forme de lutte politique dans les prisons israéliennes. Actuellement plus de 7000 prisonniers palestiniens sont détenus dans les prisons israéliennes, plus de 500 d’entre eux sans procès.

 

Hana est née le 7 février 1982, l’année où les factions palestiniennes ont été chassées du Liban et où les réfugiés de Sabra et Chatila camps ont été assassinés en masse. Quand son père, Yahya, et sa mère, Badia, n’ont plus pu avoir d’enfants, le décompte final était de dix. Sur les six filles, Hana était quelque part au milieu, après Najah, Salam et Huda, et avant Wafa et Zahira. Samir était le plus jeune des frères, et n’avait que deux ans de plus qu’Hana.

 

La famille d’Hana est originaire de Haïfa. Ils ont été chassés de cette belle ville portuaire, avec des centaines de milliers d’autres personnes qui constituent aujourd’hui la majeure partie des réfugiés palestiniens. Après un voyage relativement bref mais très pénible, ils se sont installés dans le village de Burqin, pas loin de Safad, dans le nord, à proximité de la ville et du camp de réfugiés de Jénine.

 

Burqin, qui se niche non loin de la vallée de Marj Ibn Amer, a offert aux Shalabis un répit temporaire dans leur dure existence. Mais le ce répit a été brutalement interrompue lorsque Hana était encore un enfant. Elle avait huit ans et était en train de manger un gros sandwich de Za’tar et d’œufs quand Mohammed, un garçon du quartier, s’est précipité sur elle, à toute vitesse.

Il est tombé à genoux et lui a dit dans un murmure : « S’il te plaît aide-moi. » Elle est restée pétrifiée. Quand il s’est finalement effondré, il avait un grand trou derrière la tête. Il avait été abattu par l’armée israélienne, un peu plus tôt. Cela s’est passé pendant le premier soulèvement, et le garçon était un de tous ceux qui ont été tués à Burgin. Hana a rejoint la rébellion en ramassant des cailloux pour les garçons qui affrontaient les soldats qui faisaient des raids presque quotidiens dans le village.

 

Hana, qui a maintenant 33 ans, parle de ces souvenirs avec la même pureté que celle de l’enfant submergée par une euphorie révolutionnaire dont elle-même avait du mal à comprendre la cause. La mort de Mahomet l’avait mise en colère, et voilà tout.

Elle a grandi dans la colère, habitée par une rage que partageaient beaucoup de ceux qui l’environnaient. Son frère, Omar, avait rejoint les Black Panthers dont les membres étaient tous des fils de paysans et d’ouvriers arabes exploités en Israël. Ils se retrouvaient dans des grottes profondes dans les montagnes où ils se cachaient pendant des jours avant de descendre dans les villages, masqués et armés, pour inciter les gens à faire la grève et à se rebeller. Mais quand Omar a été blessé lors d’une altercation nocturne avec les soldats, tout le monde a appris son secret, y compris son père, Yahya, qui a réalisé, atterré, que ses efforts incessants pour garder ses enfants hors de danger avaient lamentablement échoué.

 

L’histoire d’Omar s’est répétée, encore et encore, avec ses autres frères et sœurs, presque tous impliqués dans la résistance d’une manière ou d’une autre. Huda, la sœur aînée, a été emprisonnée pour avoir soi-disant tenté de poignarder un soldat ; peu après, son fiancé a été pris en embuscade et tué par l’armée israélienne. Son nom était Mohammed al-Sadi. Il a été tué alors qu’il venait la demander en mariage. Huda a appris son assassinat à la radio.

 

Samir était le plus jeune des garçons. Les soldats, qui perquisitionnaient régulièrement le domicile de la famille Shalabi, le terrifiaient. Il se cachait sous le lit pendant qu’ils détruisaient tout dans la maison, déchiraient ses livres de classe et urinaient dans leurs réserves d’huile d’olive. A 13 ans, il a quitté l’école et, quelques années plus tard, il s’est procuré un pistolet et a rejoint la Résistance, vivant la plupart du temps dans les montagnes. Lorsque l’armée israélienne l’a tué, il était l’un de 17 autres jeunes marqués du sceau de la mort, tous des combattants de diverses factions. Il a été tué avec un camarade près de la vallée où il jouait et aidait son père aux travaux de la terre quand il était petit.

Samir avait la passion des chevaux et Hana, en grandissant, a appris elle aussi à aimer les chevaux. Cependant, elle a refusé de devenir vétérinaire comme son père l’y enjoignait. Elle voulait aller étudier le droit en Tunisie, un rêve qui n’a toujours pas pu se réaliser.

Samir était son meilleur ami. Ils n’avaient pas de secrets l’un pour l’autre, et, juste avant qu’il ne parte pour sa dernière bataille, il lui avait demandé de veiller à ce que son cercueil soit recouvert de fleurs, surtout d’Hanoun rouge, une fleur sauvage qui pousse autour de Burgin. Elle a tenu sa promesse.

 

Plus tard, les Israéliens l’ont arrêtée. Ils l’ont enfermée dans un cachot souterrain et l’ont soumise à des mois de violentes tortures physiques et psychologiques. Voyant qu’ils n’obtenaient rien, ils l’ont condamnée à six mois de détention administrative qui a été renouvelée à plusieurs reprises. Après avoir passé des années en captivité, elle a été libérée le 18 octobre 2011 de la prison de Hasharon. Sa libération, et celle de centaines d’autres prisonniers, a été le résultat d’un accord entre le Hamas et Israël pour la libération d’un soldat israélien qui avait été capturé par la Résistance des années auparavant.

 

La célébration a duré des mois ; quand elle s’est terminée, Hana a été de nouveau arrêtée et jetée en prison. Sa dernière expérience a été encore plus humiliante et Hana répugne à s’appesantir sur elle et à donner des détails. Le jour de sa deuxième arrestation, le 16 février 2012, ses geôliers ont été particulièrement brutaux, mais elle a également fait preuve d’une détermination exceptionnelle. Le journal israélien « Yediot Ahronot » a affirmé qu’Hana complotait de kidnapper un soldat, mais Hana a refusé de discuter avec ses interrogateurs. Elle a entamé une grève de la faim de 47 jours. Pour sa liberté.

Au dernier stade de sa grève, quand la mort était imminente, elle a ouvert les yeux dans un hôpital israélien. Ses bras et ses jambes étaient enchaînés au lit. Elle était à Haïfa, une découverte qui a amené un sourire sur ses lèvres. « C’est la terre d’où ma famille est originaire, » a-t-elle murmuré avec un large sourire. Sa déclaration a été communiquée aux gardes, puis aux autorités de la prison qui ont ordonné son expulsion immédiate de Haïfa. Hana n’était jamais venue à Haïfa* et, pour un court moment, elle avait caressé l’idée d’y mourir.

Suite à un accord signé dans des conditions suspectes, elle a mis fin à sa grève de la faim en échange de sa liberté, mais elle a été déportée dans la bande de Gaza. L’accord stipulait qu’Hana serait autorisée à revenir en Cisjordanie trois ans plus tard, mais elle n’a jamais reçu l’autorisation.

 

Hana dit qu’il faut aimer la vie, même à l’intérieur des frontière de Gaza assiégée et déchirée par la guerre. « Sinon, les Israéliens gagnent. Je ne veux pas leur donner cette satisfaction, » me dit-elle. « La Résistance nous recommande de profiter de notre mieux de la vie malgré les souffrances. »

Elle rêve toujours de voyager, d’explorer le monde, et de voir un jour autre chose que l’horizon familier de Gaza assiégée.

 

 

Ramzy Baroud - mardi 22 décembre 2015

Cet article est basé sur le chapitre intitulé : Death Note, dans mon livre à venir sur l’histoire du peuple de Palestine.)

http://www.info-palestine.net/spip.php?article15798

Note :

* C’est difficile à imaginer mais, tandis que les Juifs israéliens circulent comme ils veulent en Palestine, les Palestiniens des territoires occupés ne peuvent quasiment aller nulle part. La plupart des enfants palestiniens n’ont jamais vu la mer qui n’est pourtant parfois qu’à quelques kilomètres de chez eux.

* Dr Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine - Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest.fr. Son site personnel : http://www.ramzybaroud.net

Hana Shalabi, une guerrière de la faim
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19 décembre 2015 6 19 /12 /décembre /2015 23:06

 

La crise du régime politique français révélée par les réactions aux attentats du 13 novembre et soulignée par les résultats des élections régionales, n’a fait que découvrir un peu plus le visage ultralibéral de notre actuel gouvernement.

On n’hésite plus à parler de suppression des notions gauche/droite et pour cause...

Or aujourd’hui, qui dit ultralibéral dit sioniste radical, et la parole sioniste, devenue parole occidentale, se retrouve jusqu’au plus haut niveau de l’Etat.

 

La partition jouée le 16 décembre par Mrs Meyer Habib et M Manuel Valls à l’Assemblée Nationale à propos de la campagne internationale BDS – Boycott, Désinvestissement et Sanctions - initiée par la société civile palestinienne tout entière en 2005, leur appréciation commune sur la nature démocratique du régime israélien, les propos racistes et islamophobes tenus par Meyer Habib évoquant « la gangrène islamique » [1] et non condamnés par le premier ministre, nous éclairent, mieux que tout, sur la concordance politique et les objectifs communs que partagent les partis de ces deux personnages et, plus généralement, l’essentiel de la classe politique française.

 

Les attentats du 13 novembre dernier à Paris, ont marqué une offensive ultra - sécuritaire en France qui cherche au passage à identifier la résistance palestinienne au terrorisme de Daech, et fait d’Israël une victime en miroir avec la France du 13 novembre. C’est ainsi que nous avons vu des députés comme Julien Dray expliquer que les méthodes israéliennes antiterroristes devaient être adoptées par la France [2], tout comme nous avons vu Valérie Pécresse adresser par courrier à ses « compatriotes juifs » des serments d’allégeance à la cause sioniste.

 

Cette résurgence des pires amalgames dans le discours de la classe politique française, hier pour rallier l’électorat juif, aujourd’hui à l’Assemblée Nationale pour attaquer la campagne BDS, stigmatiser nos concitoyens musulmans, tend à replacer Israël au cœur du débat politique national où dominent des discours racistes et islamophobes.

 

En réintroduisant la question du BDS dans le débat français, celle de son prétendu antisémitisme, en qualifiant d’antisémite le combat contre le sionisme [3] et en stigmatisant des pans entiers de la société civile française - principalement les jeunes des quartiers populaires - le gouvernement et ses alliés nous confirment l’inscription totale de leur vision politique dans celle de la politique du choc des civilisations, dans celle du combat de l’Occident (devenu judéo-chrétien) contre le monde musulman dans son ensemble.

 

Dans leur volonté – ici, en France – de continuer à nous diviser et à nous dresser les uns contre les autres pour mieux nous réprimer, et retarder au maximum la nécessaire unité que nous devons réaliser pour résister efficacement aux menaces qu’ils font peser sur la démocratie et nos libertés à toutes et tous.

 

Le soutien raisonné par un nombre de plus en plus important de nos concitoyens au combat légitime du peuple palestinien, la condamnation par les mêmes de la politique d’apartheid israélienne, de sa politique de conquêtes et de colonisation ; les crimes de toute nature commis à Gaza, dans les Territoires Palestiniens Occupés, en Israël même, sont au cœur de leur adhésion à la campagne BDS.

Nul ne peut en inverser la dynamique !

 

Ce soutien traduit, en ce début du XXIe siècle, la réflexion de chacun sur cette dernière expression du colonialisme européen des XIXe et XXe siècles qu’est le sionisme, son ultime visage tel que nous l’observons à travers les discours et les pratiques du gouvernement israélien actuel d’extrême droite conduit par Benjamin Netanyahou : apartheid, épuration ethnique, colonisation, occupation, crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

 

Ce soutien traduit également la réflexion de chacun sur les dangers qui pèsent sur le droit international en général, sur le droit humanitaire international, sur le droit des peuples à disposer d’eux mêmes, à être secourus, à être protégés, sur le peu de cas qu’en font les pays occidentaux, à l’image de leur protégé israélien.

 

La dénonciation du sionisme est aujourd’hui tout cela : une expression contemporaine de la condamnation du colonialisme, une expression contemporaine de la solidarité internationale, une expression contemporaine de cette exigence de justice pour tous les peuples opprimés à travers le monde, pour le peuple palestinien en particulier, symbole absolu de tous les renoncements et de toutes les trahisons de la communauté internationale.

 

Messieurs Meyer Habib, Manuel Valls [4] et consorts n’y feront rien !

La politique coloniale de la France, son soutien indécent à Israël et à sa politique criminelle, les menaces que le gouvernement fait peser sur la société civile française aujourd’hui en particulier par l’état d’urgence, ses pratiques et sa prolongation, ne peuvent être masquées par leurs incantations sur l’antisémitisme, sur l’antisionisme, et leur haine vis-à-vis de la campagne BDS, son prétendu racisme.

 

En ce qui nous concerne, nous membres de l’UJFP, nous mobiliserons tous nos efforts dans la nécessaire lutte contre l’islamophobie, la nécessaire mobilisation pour la défense de nos libertés, dans l’affirmation de notre solidarité sans réserve avec toutes les victimes des guerres impériales qui ravagent le Moyen-Orient, dans notre
solidarité absolue avec la lutte du peuple palestinien.

Tous nos efforts dans le renforcement de la campagne française BDS.

 

Le Bureau national de l’UJFP, le 18 décembre 2015.

 

 

[1] La vidéo en témoigne, c’est bien la « gangrène islamique » que Meyer Habib a pourfendue dans son intervention. Et personne dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale n’a trouvé à y redire. Mais il a quand même fait rectifier le compte rendu officiel, et la gangrène est devenue islamiste. C’est un peu comme si après la déclaration du Grand Rabbin Mordechaï Eliyahu proposant que pour chaque israélien tué, une nouvelle colonie soit créée en « Judée Samarie » et rappelant ce que veut la loi divine en terme de représailles justes : « mille arabes doivent mourir pour chaque étudiant talmudique tué », nous avions parlé de « gangrène judaïque », avant de rectifier prudemment en « gangrène sioniste »

[2] Mensonge ou ignorance crasse, Julien Dray ose affirmer qu’il faut s’inspirer du modèle israélien qui n’aurait jamais eu recours à des lois d’exception ! Or chaque année le parlement israélien renouvelle les lois d’exception instaurées par la puissance britannique mandataire en 1945 ! A moins de considérer que puisque l’exception étant permanente, elle n’a plus en effet rien d’exceptionnel, comme la constitutionnalisation de l’état d’urgence en France.

[3] Manuel Valls ne prononce pas l’égalité antisionisme = antisémitisme, il est trop prudent pour cela. Mais en disant que « trop souvent » il y a confusion entre critique de la politique israélienne et antisionisme qui « bascule » dans l’antisémitisme, que l’on « passe allègrement de l’antisionisme à l’antisémitisme », sans jamais en apporter la moindre preuve ni le moindre exemple, et en justifiant la réaction de Meyer Habib sans dénoncer ses amalgames, Manuel Valls valide le discours de Meyer Habib.

[4] Manuel Valls a présenté l’honorable parlementaire Meyer Habib comme représentant notamment les français résidant en Israël, il n’a pas rappelé que Meyer Habib est citoyen et résidant israélien. Meyer Habib, binational, pouvant être poursuivi pour apologie de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en tant qu’il défend inconditionnellement la politique du gouvernement Netanyahou, pourra -t-il demain être privé de sa nationalité française ?

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14 décembre 2015 1 14 /12 /décembre /2015 20:38

Commençons avec un événement. Un événement qui a eu lieu aujourd’hui, tôt dans l’après midi, à la jonction Gan Shmuel. A une vigie routinière de « Femmes en Noir, entre 13 et 14 h, étant moi-même parmi elles.

 

Trois très jeunes hommes roulent près de nous, nous lançant une série de jurons, auxquels nous sommes fort habituées. Quelques minutes plus tard, ils reviennent de la direction opposée, tournent à gauche dans le centre commercial derrière nous, criant de nouveau contre nous et nous souhaitant mortes. Un moment plus tard, ils apparaissent sur le trottoir où nous nous trouvons, l’un avec un drapeau israélien, l’autre en train de filmer. Celui avec son drapeau descend du trottoir et danse devant nous, risquant sa vie dans le trafic, sautillant et sautant, en agitant son drapeau et rugissant « le peuple d’Israël vit !», essayant de s’approcher près de nous. Quand je recule, il avance encore davantage, me touchant presque. Autour de nous des autos sont arrêtées au feu rouge. Au mieux, les conducteurs ignorent la scène. Plus généralement, ils klaxonnent, applaudissent, acclament et crient que c’est ce qu’on mérite, en faisant des gestes obscènes. Une seule dame, hors du commun, baisse sa vitre et dit au jeune homme « mais pas de violence ! » Son copain filme la scène et ils nous crient tous les deux que nous sommes à blâmer pour tous les coups de couteau et les écrasements et les meurtres et pourquoi nous ne manifestons pas contre CELA et ils nous souhaitent mortes…

 

J’étais simplement perdue. Je ne savais pas quoi faire. J’étais choquée.

 

Un homme s’est approché avec une caméra, leur dit qu’il veut filmer aussi. Ils lui offrent un grand spectacle et alors il leur dit qu’il est journaliste et qu’il les a filmés pour le montrer à la police et rendre public qu’ils sont violents et dangereux. Il fait aussi venir la police. Ils se volatilisent immédiatement. La police arrive et finalement la police nous réprimande. (Avez-vous un permis ? Qui est responsable ? Si vous n’introduisez pas une plainte, que voulez-vous ? Pourquoi êtes-vous cyniques ?).

 

Je suis née en 1966. Un an avant la Guerre des Six jours. J’ai grandi avec l’occupation. Jusqu’au moment où j’ai achevé mon service militaire, je n’avais pas d’identité politique. Le jour après ma démobilisation, la première Intifada a éclaté. Je me suis mise à demander, à penser, à avoir des opinions et j’ai découvert que j’étais de gauche.

 

Un bond dans le temps.

 

Pendant l’Opération du bouclier défensif, j’ai rejoint les « Femmes en Noir » à la jonction Gan Shmuel. Comme je l’ai mentionné plus haut, chaque vendredi entre 13 et 14h. C’est une brigade de vétéranes qui y tient une vigie depuis plus de 25 ans maintenant. Nous ne sommes pas nombreuses et pas si jeunes. J’ai déjà révélé mon âge, et je suis une des plus jeunes.

Ce n’est pas facile de s’y trouver toutes les semaines. Cela ne sert pas à grand-chose non plus, semble-t-il. Réellement ?

 

Au cours des années, j’ai expérimenté toutes sortes de moments déplaisants. On m’a jeté des œufs, une pierre m’a touché e à la tête, nous avons été insultées sans arrêt…Cela est routinier et familier et nous nous soutenions plus ou moins nous-mêmes contre cela. Nous répondons à nos assaillants de différentes manières, mais au moins je me dis à moi-même que notre présence Sisyphéenne hebdomadaire est surtout pout notre propre bien. Ainsi, nous n’oublions pas l’occupation. De sorte que le mot occupation ne soit pas effacé du vocabulaire de l’espace public. Des enfants grandissent sans savoir qu’il y a une occupation en cours. Et comment le sauraient-ils si on ne le leur enseigne pas. C’est arrivé quand j’étais un bébé, et comme je l’ai déjà dit, je n’étais pas toute jeune moi-même. Et en fait on ne me l’avait pas enseigné non plus…

 

A chaque escalade, dans le temps, la situation se reflète à la jonction. Les insultes deviennent plus lourdes, la colère contre nous bouillonne – comme si nous, en étant là, sommes la cause des attaques terroristes, de la violence. Comme si nous n’étions pas des citoyennes de cet état. Comme si nos enfants ne sont pas dans le même système scolaire qui les envoie dans l’armée. Les gens nous veulent du mal, nos familles blessées. Alors nous saurons… ! (Malheureusement certaines femmes qui sont là avec moi ont expérimenté des attaques terroristes, même en étant victimes, elles insistent en disant – assez !).

 

L’événement d’aujourd’hui m’a choquée. J’étais terriblement effrayée. J’avais peur qu’ils allaient perdre tête. A un autre moment ils allaient me toucher. Me faire du mal. Et je ne le voulais pas. Pas pour moi, pas pour eux. Pas pour toute personne les attendant à la maison, ni pour ceux

qui m’attendaient à la maison.

Je me sens au bord du précipice. Je suis très effrayée pour moi-même, mais aussi pour nous toutes. Comment une telle violence, pour une opinion et bien sûr contre des femmes, peut-elle être acceptée avec autant de sympathie ? (Auraient-ils sauté sur nous comme cela si un homme se tenait avec nous ? J’en doute. Après tout quand le journaliste s’est présenté et s’est opposé à eux, ils se sont simplement volatilisés.

 

Bien que j’ai peur d’y retourner, je pense que je le devrais. Que cette voix à nous devrait être présente. Même si elle est impopulaires maintenant. Les gens doivent savoir qu’il y a encore toujours une occupation en cours. Que nous opprimons encore toujours presque deux millions de personnes. Et que cette oppression exige des prix terribles, sans parler d’être totalement immorale.

 

Elle nous corrompt, nous rend involontairement violents. Elle met nos enfants en danger et nous tous au niveau quotidien de la sécurité personnelle, ainsi que dans le sens plus profond de quelle sorte de société nous sommes. Ce qui est arrivé aujourd’hui (et arrive sûrement tout le temps à d’autres) a révélé le tableau d’une société violente qui menace des femmes, des opinions, des minorités et des personnes plus faibles avec un irrespect fondamental, une absence d’appréciation, brutalement, cruellement et grossièrement.

 

Je ne trouve plus mes mots.

 

Hadass - femmes en Noir Israël

 

*****************************

 

Chère Lieve, chère Dafna, je sens comme vous, rien que de l’impuissance, nous tenons toutes nos vigies spirituellement nous sommes vos alliées.

J’ai rejoint les Femmes en Noir à la conférence de Jérusalem, inspirée par vous, par Gila, par Lily et toutes les femmes courageuses qui prêchent pour la paix et la compréhension dans le ventre même de la bête.

J’ai suivi nos sœurs courageuses de Serbie jusqu’en Bosnie et nous avons marché ensemble avec les femmes bosniaques, beaucoup de paysannes survivantes de Srebrenica. J’ai marché souvent aves les Mères et les Grands-mères de Mai qu’on disait folles mais leur travail a payé car l’autre jour elles ont trouvé un autre garçon volé qui avait été volé à sa mère en 1975, quand elle avait été emprisonnée et il a eu suffisamment de chance de trouver sa mère en vie, d’autres ne trouvent que leurs grands-mères.

J’ai rencontré Rigiberta Menchu au Guatemala et elle m’a parlé des tombeaux de masse où elle est allée pour trouver si ses membres de sa famille y étaient.

Dafna, svp, ne te sens jamais seule, les Mères de Mai et les veuves de Srebrenica et les Indiens du Guatemala et les mères de Tchétchénie et nous toutes nous tenons toutes la vigie avec vous.

Rachel Corrie qui avait été tuée pendant ma visite à Gaza, à une heure de l’endroit où nous nous trouvions, elle est aussi à Gan Shmuel chaque fois que vous y êtes.

In love and solidarity
Ana

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7 décembre 2015 1 07 /12 /décembre /2015 23:38

Ce soir, l’abstention est une fois de plus énorme : près d’un électeur sur deux a considéré que ce scrutin et les partis qui se sont présentés ne sont pas une solution à la crise sociale, économique, politique. Pour autant, le résultat très élevé de l'abstention ne doit pas masquer le fait politique central et inquiétant de ce premier tour : la percée dans tout le pays du Front national qui arrive en tête dans près de la moitié des grandes régions.

Dans le contexte post attentats du 13 novembre, l'extrême droite profite d'une situation où la gauche aux affaires, droit dans ses bottes guerrières et sécuritaires, met en œuvre la casse sociale depuis son arrivée au pouvoir en 2012, court après une droite toujours plus radicalisée et sous pression des idées nocives du Front national.

Surenchères de gauche et de droite n'en finissent plus de nourrir le terreau sur lequel prospèrent aujourd'hui les idées, et peut-être demain les politiques, des pires ennemis du monde du travail et des catégories populaires.

 

Le combat contre le FN est indissociable de celui contre les politiques sécuritaires, racistes, militaristes, antisociales, d'où qu'elles viennent, en premier lieu quand elles viennent de celles et ceux qui gouvernent.

Ces prochaines semaines, c'est dans la rue et les mobilisations, pour la défense des droits démocratiques et de la solidarité, contre la régression sociale, qu'il faudra engager la riposte.

NPA , Montreuil, le 6 décembre 2015

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27 novembre 2015 5 27 /11 /novembre /2015 20:49

En janvier dernier, le président et ses ministres commémoraient « l’esprit de Charlie », onze mois plus tard, ils sont l’esprit de police. Gouvernement, parlementaires: tous prétendent commander aux événements ; ils ne font que s’y soumettre car ils ont peur.

 

 

Si les attentats particulièrement meurtriers du vendredi 13 novembre 2015 à Paris ne sauraient être confondus avec les attaques multiples perpétrées le 11 septembre 2001 aux Etats-Unis par les terroristes d’Al Qaida en raison de l’ampleur des secondes, du nombre de victimes – 3000 morts et plus de 6000 blessés – et de la diversité des objectifs visés, leurs effets politiques s’en rapprochent. En quarante-huit heures, le chef de l’Etat et le gouvernement ont adopté la rhétorique guerrière et sécuritaire de la droite et de l’extrême-droite, et repris à leur compte plusieurs de leurs propositions. Hier, ils les jugeaient inefficaces, attentatoires à des dispositions majeures et pour cela contraires à certains engagements internationaux de la France comme la Convention européenne des droits de l’homme. Aujourd’hui, ils en font la synthèse. Cette involution spectaculaire nous renseigne sur la solidité de leurs convictions et de leurs principes ; ils n’en ont aucun car ils sont prêts à tout pour restaurer leur popularité et conserver le pouvoir. Sans doute se croient-ils grands, ils ne sont que des habiles qui manœuvrent au jour le jour. En janvier dernier, le président et ses ministres commémoraient « l’esprit de Charlie », onze mois plus tard, ils sont l’esprit de police.

 

Aux rares députés qui ont émis des réserves ou des critiques sur la réforme de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, Manuel Valls n’a pas hésité à répondre sans susciter le moindre tollé : il faut « bâtir des dispositifs rapides et efficaces, alors pas de juridisme ». Le respect de la légalité et de principes essentiels ? Autant d’obstacles maintenant inutiles qui doivent céder devant la gravité de la situation et la nécessité d’agir au plus vite, selon lui. Et pour éviter la censure probable, par le Conseil constitutionnel, de quelques mesures, le même récidive au Sénat en déclarant : « Je suis dubitatif sur l’idée de saisir [le Conseil constitutionnel] car il y a toujours un risque. » Aveu remarquable mais sinistre. Il prouve que le gouvernement, dont les membres répètent de façon pavlovienne : « République » et « Etat de droit », assume publiquement la violation de règles fondamentales. Renforcer les prérogatives exorbitantes du ministre de l’Intérieur et des forces de l’ordre ; telle est leur seule préoccupation. De même les parlementaires qui ont approuvé le projet de l’exécutif. Tous sont d’accord : le texte voté doit échapper aux mécanismes juridiques susceptibles d’entraîner l’annulation de certaines de ses dispositions et des procédures qu’il autorise. Beautés de l’Etat de droit !

 

Analysant l’inflation des législations antiterroristes adoptées avant les attentats du 13 novembre 2015, la juriste du Collège de France Mireille Delmas-Marty constatait qu’elles multipliaient dangereusement les « pratiques dérogatoires (…) au profit de pouvoirs de plus en plus larges confiés à l’administration ou à la police, constituant un véritable régime de police qui ne dit pas son nom. » La loi qui vient d’entrer en vigueur et l’état d’urgence établi pour trois mois précipitent le mouvement : triomphe de l’exception légalisée et soustraite à la Constitution. Et triomphe de l’extrême-droite et de la droite dont plusieurs éléments programmatiques – la déchéance de la nationalité notamment – ont été défendus par le chef de l’Etat en personne. « Un bon coup » aux dires de certains conseillers de l’Elysée qui se réjouissent de mettre ainsi leurs adversaires en difficulté. Mais quel est le coût politique de ce « coup » ? Exorbitant. En agissant de la sorte l’exécutif et la majorité socialiste qui le soutient aveuglément légitiment les propositions sécuritaires du Front national et des Républicains, et accréditent l’idée que leurs dirigeants respectifs apportent de justes réponses aux menaces présentes. Les principaux intéressés ne s’y sont pas trompés. « Quand vous voyez un président de la République tourner le dos à toutes les idées qui étaient les siennes et reprendre les mesures du FN, il y a un côté étonnant, un hommage au FN, qui se trouve crédibilisé » déclare Marine Le Pen. Beau résultat, assurément.

 

Enfin, celles et ceux qui, au Parti communiste et à Europe écologie, se sont érigés en vigies chargées de dénoncer les dérives droitières de ce gouvernement dans le domaine économique, social et environnemental, ils ont, au pire, voté avec la droite et l’extrême-droite parlementaire la prolongation de l’état d’urgence et l’aggravation des dispositions de la loi d’exception du 3 avril 1955, au mieux se sont abstenus. L’histoire retiendra que six députés seulement s’y sont opposés. Hier les premiers, certains d’entre eux du moins, n’avaient pas de mots assez durs pour fustiger les orientations libérales de l’exécutif et de sa majorité. Et les mêmes entendaient combattre le programme du Front national et certaines propositions des Républicains jugés, entre autres, liberticides et pour cela inacceptables.

 

Aujourd’hui, ils ont scellé, par leur vote, une union nationale sécuritaire comme il n’y en a pas eu depuis longtemps et ils ajoutent, par leur confusion politique, à la régression et à la réaction générales. Ils prétendent offrir une alternative aux partis traditionnels de gouvernement, on découvre qu’elle n’est que de pacotille car ils épousent lâchement la vague sécuritaire au lieu de lui résister. Plus elle s’élève, plus ils tremblent, plus elle grossit, plus ils cèdent, plus elle gronde, plus ils sont inaudibles car leurs voix ne sont que galimatias incohérents et sans principe. De même leurs justifications gênées et dérisoires livrées après qu’ils se soient joints à la meute des élus qui crie : « sécurité, sécurité, sécurité ! »

 

Jamais dans un passé récent des décisions aussi graves et aussi lourdes de conséquences pour les libertés individuelles et collectives n’auront été approuvées avec une telle célérité par les parlementaires de droite comme de gauche désireux d’en finir au plus vite. Etrange précipitation qui révèle ceci : tous prétendent commander aux événements ; ils ne font que s’y soumettre car ils ont peur. Peur de perdre le pouvoir, peur d’échouer à le conquérir à quoi s’ajoutent calculs électoraux indexés sur une frénésie sondagière qui est aussi moutonnière, désir de ménager l’avenir et, plus encore peut-être, leur avenir dans les institutions de la République. Tels sont quelques-uns des ressorts inavouables de ces comportements collectifs faits de l’agrégation de petites réactions individuelles qui pavent la voie à la grande Réaction qui vient.

 

Les élus communistes ont certainement appris l’histoire mais ils viennent de faire la démonstration qu’ils n’apprennent rien de l’histoire et tous répètent les erreurs du passé sans avoir mené le moindre baroud d’honneur dans leur Assemblée respective. Le 12 mars 1956, les députés du PC approuvaient les pouvoirs spéciaux défendus par le très socialiste Guy Mollet qui entendait disposer des moyens nécessaires pour « prendre toutes mesures exceptionnelles en vue du rétablissement de l’ordre, de la protection des personnes et des biens, et de la sauvegarde du territoire. » En des termes moins euphémisés, il s’agissait de défendre l’Algérie française en menant une guerre impitoyable contre les « terroristes » du FLN. Ainsi fut fait.

 

Le 20 novembre 2015, Eliane Assassi, présidente du groupe Communiste, républicain et citoyen (CRC) au Sénat, tente d’expliquer les positions diverses – approbation ou abstention – de ses membres en déclarant : « une écrasante majorité de Français sont pour plus de sécurité. » Et pour conclure cette élue emploie l’une de ces formules creuses mais obscures qui envahit la novlangue politique contemporaine : « on essaie de faire société. » Qu’est-ce à dire ? Mystère ! Dérisoires efforts rhétoriques et remarquable soumission aux opinions communes et aux passions collectives du moment : la peur, la colère, l’indignation. Celles-là mêmes que flattent depuis des années, avec les résultats que l’on sait, les démagogues du Front national et les dirigeants des Républicains auxquels s’ajoute désormais le Premier ministre chargé de mettre en œuvre les orientations hâtivement décidées par le Chef de l’Etat.

 

Le propre des événements est d’agir comme d’excellents révélateurs, pour le meilleur ou pour le pire. Les réponses qui viennent d’être apportées par le gouvernement et les parlementaires aux massacres du 13 novembre 2015 disent la puissance de la réaction politique à l’œuvre et de la régression démocratique qui nous est imposée. Dans la seconde moitié du XXe siècle et nonobstant des circonstances différentes, elles n’ont qu’un précédent connu ; la guerre d’Algérie et son arsenal de législations d’exception. Le renforcement des dispositions de la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence actualise ce passé qui continue ainsi d’affecter gravement notre présent et notre condition de citoyen.

 

La réaction qui vient ? Sur le terrain sécuritaire, elle a déjà remporté une bataille majeure. L’hiver politique qui s’annonce risque d’être rigoureux et fort long ; il faut l’affronter sans attendre.

 

O. Le Cour Grandmaison, universitaire.  26 nov. 2015

Dernier ouvrage paru : L’Empire des hygiénistes. Vivre aux colonies, Fayard, 2014.

https://blogs.mediapart.fr/olivier-le-cour-grandmaison/blog/261115/apres-les-attentats-la-reaction-qui-vient

 

_________________________________________________________

 

A ceux, déja résignés à tout accepter en croyant à tort que ça les protègera de la terreur, je dédie cet extrait de La plus drôle des créatures, très beau texte de 1947 du grand poète turc Nazim Hikmet :
"Tu es comme le mouton, mon frère,
Quand le bourreau habillé de ta peau
Quand le bourreau lève son bâton
Tu te hâtes de rentrer dans le troupeau
Et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier."

 

 

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23 novembre 2015 1 23 /11 /novembre /2015 22:38

Réflexions sur la semaine de l’après 13 novembre 2015

par Clément L          site "Les mots sont importants"      http://lmsi.net
21 novembre 2015

 

 

Ce 17 novembre, dans le lycée dans lequel je travaille, un gosse d’une quinzaine d’année est entré à la vie scolaire, le regard grave, la mine complètement défaite. Il est d’abord resté silencieux un long moment. Puis, en sanglotant, il a fait référence aux attentats et a alors prononcé cette phrase : « Je ne rêve que d’une seule chose, c’est de tous les exterminer »

Ce gosse n’a pas de proches qui sont morts dans l’attentat. Il vit à plus de 300 kilomètres de Paris, dans une ville de taille modeste où l’on peut objectivement penser que le risque d’attentat est moindre. Mais nous en sommes là. Après plus de cinquante heures d’édition spéciale sur des chaines d’information en continu que même la publicité n’a exceptionnellement pas interrompue, un gosse de 15 ans pleure en disant que son seul rêve, c’est d’exterminer des gens.

« Cette fois, c’est la guerre »

Le lendemain des attentats, Le Figaro titrait :

« La guerre en plein Paris »

Et le Parisien :

« Cette fois, c’est la guerre ».

Ce dernier titre est incorrect dans le sens où la France est en guerre depuis longtemps. Depuis 2010, la France a été en guerre au Libye, en Centrafrique, au Mali, en Syrie et en Irak. Pour ces trois derniers pays, les conflits sont encore en cours.

Mais ces guerres ont pour point commun, pour nous occidentaux qui les avons menées, de n’avoir eu aucune conséquence concrète (si ce n’est les pertes militaires) et de s’être déroulé loin de nos yeux, tout au plus quelques minutes du JT sur nos écrans télévisés.

Ce sont pourtant des guerres de l’Occident contre des pays du moyen-orient qui sont à l’origine de l’Etat islamique notamment la guerre d’Irak, dont la page Wikipédia du conflit précise qu’aucun décompte officiel des victimes n’a été effectué mais qu’il est estimé autour du million.

L’Etat français avait eu l’intelligence de ne pas intervenir dans ce conflit et l’on sait désormais que les « preuves » de présence d’armes de destruction massive présentées par les Etats-Unis étaient fausses. Le Royaume-Uni et l’Espagne n’avaient pas fait ce choix, et ils ont subi des attentats terroristes quelques mois après leur engagement en Irak, qui ont fait respectivement 56 et 191 morts.

Depuis son arrivée au pouvoir, François Hollande a décidé de se montrer en véritable chef de guerre, en rupture avec l’image d’une France moins belliqueuse qui avait été incarnée par Dominique De Villepin. Ce fût particulièrement le cas au Mali et en Centrafrique, ce qui avait, phénomène suffisamment rare pour être souligné, fait augmenter sa popularité.

Alors qu’il conviendrait donc de s’intéresser aux logiques impérialistes qui poussent les pays occidentaux à entreprendre des conflits qui ont largement contribué à la création puis au succès de l’EI, et dont le nombre bien plus élevé de morts ne nous émeut guère, notre premier réflexe a été, sous le coup de l’émotion, de "rentrer" instinctivement en guerre, en oubliant même que nous l’étions déjà. Cette manière de répondre à un effet par sa cause devrait nous interroger.

On pourrait aussi s’attarder sur le nombre de combattants de l’Etat islamique, ce devrait même être de l’ordre du réflexe que d’évaluer quantitativement la menace qui nous fait face. Un article du Monde avance le nombre de 100 000 à 125 000. À titre de comparaison, l’armée française compte plus de 200 000 militaires.

Il ne s’agit évidemment pas de minimiser les attentats ou d’établir un lien dont on prétendrait qu’il soit mécanique et unique. Mais si l’on veut réfléchir aux évènements graves qui ont eu lieu ce week-end, il est important de s’intéresser aux origines de l’État islamique, à ce qui les pousse généralement à commettre des attentats, et aux forces dont il dispose. Mais l’émotion collective occulte ces dimensions pourtant essentielles pour essayer de comprendre ce qui se passe.

 

L’engrenage sécuritaire

 

Au contraire, l’attention a été concentrée sur des instincts guerriers et sécuritaires. Un sondage nous dit que 84% des Français sont prêts à accepter de restreindre leurs libertés pour plus de sécurité. Ce même sondage nous dit que 98% des français estiment la menace terroriste élevée, comme pour souligner le besoin impérieux de plus de "sécurité".

Ce besoin de sécurité se traduit par une présence militaire et policière accrue pour tous, au quotidien. Pourtant, cette présence n’a objectivement pas permis d’empêcher les attentats alors que l’Ile-de-France était au niveau écarlate du Plan Vigipirate au moment des faits – autrement dit : alors que nous étions au maximum des capacités sécuritaires que prévoit ce plan.

Mais surtout, cette présence policière et militaire dans notre quotidien renforce en nous ce sentiment de peur, nourrissant ainsi des réflexes sécuritaires, ce qui aboutit donc inévitablement à un cercle vicieux.

Ce cercle vicieux sécuritaire et ce vocabulaire guerrier ont été ultra-présents dans le marathon médiatique que nous avons vécu, couplé à une émotion bien décryptée dans un article d’Acrimed. On a aussi beaucoup entendue des phrases comme :

« Il va falloir s’habituer aux attentats, il y en aura d’autres ».

Il est à ce titre contestable pour nous Français de dire que les attentats sont « désormais dans notre quotidien » quand on sait que c’était littéralement le cas en Irak en 2005, avec plus d’une attaque suicide par jour, et qu’aujourd’hui encore beaucoup de pays sont bien plus touchés que nous par des attentats.
Je pense que tout cela n’est pas sans lien avec l’inquiétude de l’élève dont je parlais au début de cet article.

 

L’extrême-droite au plus haut

 

Dans ce contexte, le gouvernement a, entre-autres, fermé les frontières, autorisé les policiers à porter leur arme en dehors de leur service et augmenté ces dotations en armes des policiers municipaux.
Ces trois propositions figurent dans le programme du Front National depuis bien longtemps, de quoi accorder à ce parti une crédibilité sans faille : Ces mesures étant celles prises par le gouvernement pour éviter un autre attentat, on peut facilement penser que ce sont celles que nous aurions dû prendre avant, pour éviter ce qu’il s’est passé au Bataclan. Le FN étant le seul parti qui défendait ces trois propositions, cela peut donc insinuer qu’il aurait fallu voter pour ce parti, ou qu’il va falloir le faire.

Quelles que soient nos réactions face aux attentats, on peut s’accorder sur le fait qu’ils adviennent dans un contexte d’augmentation forte de l’influence des idées d’extrême-droite. Non seulement certaines de ses idées-clé sont reprises par le gouvernement sans que l’on ne puisse y opposer le moindre débat (l’interdiction des manifestations initiée par l’état d’urgence est à ce titre assez explicite), mais ces idées d’extrême-droite se traduisent aussi par des actes.

À Lyon, un jeune de 17 ans a été lynché au sol par une dizaine d’identitaires sous les cris de « Islam, hors de France ». À Pontivy pendant une manifestation d’extrême-droite, un quadragénaire a été frappé :

« Six personnes l’ont mis à terre. C’était un défoulement sur lui » explique un article, dans lequel il est précisé que des jeunes ont dû se réfugier chez des habitants pour ne pas être frappés et que quatre plaintes ont été déposées.

À Cambrai le conducteur d’une voiture a tiré sur un homme, parce qu’il "avait une couleur de peau qui ne convenait pas au tireur", a indiqué le Parquet.

À Marseille, une femme a été victime de coup de poing et de cutter parce qu’elle portait un voile.

En Gironde et en Seine-Maritime, des kebabs qui ont été pris pour cible.

À Ermont, Creteil, Aubagne, Oloron, Pontarlier et Brest, des mosquées ont été attaquées ou vandalisées.

 

Paris-luttes.info recense ces agressions islamophobes.

En plus de ce racisme en acte, les musulmans ont été et risquent d’être encore victimes d’un racisme en parole exacerbé. On ne fera pas la revue de presse des horreurs, allant de Philippe De Villiers mettant les attentats sur la dos de la « mosqueïsation de la France » ou Nadine Morano s’offusquant de la présence d’une femme voilée sur son poste de télévision [1]. Il y a eu aussi Mathieu Kassovitz exigeant des musulmans qu’ils se désolidarisent de Daesh, « faites vous entendre sinon méritez l’amalgame dont vous êtes victimes ». (avant de rapidement présenter ses excuses pour cette injonction déplacée : lorsqu’on estime que quelqu’un doit se désolidariser de quelque chose, c’est que l’on part du principe qu’il en est solidaire).

Et puis il y a eu aussi ce discours ultra-dominant sur les réseaux sociaux, repris par des milliers d’anonymes, appelant les français à boire ou à faire une « Partouze géante place de la République ». Je ne dis pas que toutes les personnes qui ont partagé ce type de statut sur nos libertés alcooliques et sexuelles sont des racistes déclarés, mais ce type de réponses rejoint qu’on le veuille ou non la thèse du « choc des civilisations ».

Bien-sûr, les terroristes se sont attaqués à des bars ou des lieux de loisirs, mais on peut penser que si c’était seulement la consommation d’alcool ou la liberté sexuelle qu’ils voulaient attaquer, une grande partie des pays du monde auraient pu être ciblés au même titre que la France, ce qui n’est visiblement pas le cas. Enfin, on peut noter qu’il y a trois ans, des millions de catholiques intégristes ont défilé dans notre pays contre nos libertés sexuelles sans que cela ne suscite la moindre velléité de riposte.

Ce type de discours ouvre en plus la voie à tous les amalgames faciles entre le terroriste qui s’attaquent à un bar et le collègue musulman qui refuse de boire de l’alcool. En qualifiant « d’actes de résistance » le fait de boire de l’alcool, on exclut de facto de la possibilité de résister ceux dont en même temps on exige qu’ils soient les premier à le faire : les musulmans pratiquants.

 

Etre ému sans être bleu-blanc-rouge

 

C’est aussi pour toutes ces raisons que je n’ai pas teinté ma photo de profil du drapeau tricolore, que je n’ai pas écrit ma colère ou ma peur sur les réseaux sociaux, et que je ne me suis pas déplacé à un rassemblement d’hommage. Dire simplement cela, en ce moment, c’est s’exposer à la suspicion d’être incapable d’être ému dans le meilleur des cas, ou de faire le jeu du terrorisme dans le pire. Choqué par ce qui s’est passé je l’ai pourtant été, évidemment. J’ai déjà assisté à un concert au Bataclan, et j’ai des amis à Paris, dans le onzième arrondissement, donc bien-sûr que j’ai eu peur. Comme tout un chacun, et c’est-là la raison principale du choc que ces évènements ont pu susciter, je me reconnais dans les victimes : boire un verre, aller voir un concert ou un match…

Si je n’ai pas peint la photo de ma tronche en bleu-blanc-rouge ou chanté la Marseillaise sur une place publique, c’est qu’à ma toute petite échelle d’anonyme dans la masse, j’ai voulu le moins possible contribuer à l’émotion collective déjà considérable. Ce n’est évidemment pas l’émotion en elle même qui me gêne, ni le fait de la partager. Ce sont plutôt les conséquences qu’autorisent cette émotion collective élevée à l’ensemble d’un pays : nous n’en avons ici qu’un petit aperçu, et elles risquent de se prolonger longtemps si l’on ne fait pas l’effort de mettre à distance cette légitime émotion.

J’ai peur pour ce gosse qui pleurait au lycée. Je n’ai pas peur que des islamistes débarquent, kalachnikovs à la main, pour le tuer. Mais j’ai peur de ce que nos réactions peuvent engendrer en conséquence concrètes dans sa vie.

 

Notes

[1] Une femme qui au demeurant n’était pas voilée mais voulait protéger son anonymat.

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14 novembre 2015 6 14 /11 /novembre /2015 21:44

Les attentats horribles qui ont eu lieu à Paris vendredi soir, faisant plus de 120 morts, des dizaines de blessés, cette violence aveugle, suscitent la révolte et l'indignation.

 

Le NPA les partage et exprime sa solidarité aux victimes, à leurs proches. Ce drame est d'autant plus révoltant qu'il frappe des victimes innocentes, que les attaques meurtrières visaient la population.

 

Cette barbarie abjecte en plein Paris répond à la violence tout aussi aveugle et encore plus meurtrière des bombardements perpétrés par l'aviation française en Syrie suite aux décisions de François Hollande et de son gouvernement.

Ces bombardements sont censés combattre l’État islamique, les terroristes djihadistes, en fait, avec l'intervention et les bombardements russes, ils protègent le régime du principal responsable du martyr du peuple syrien, le dictateur Assad.

Et ce sont là aussi les populations civiles qui en sont les premières victimes condamnées à survivre sous la terreur ou à fuir au risque de leur vie.

La barbarie impérialiste et la barbarie islamiste se nourrissent mutuellement. Et cela pour le contrôle des sources d'approvisionnement en pétrole.

 

Dans une intervention pitoyable, Hollande s'est décomposé en direct et a bafouillé quelques mots sur la République. Lui qui joue les va-t-en guerres et porte une responsabilité immense dans ce nouveau drame réclame de la « confiance ». Il a décrété l'état d'urgence sur tout le territoire, estimant que la réponse à apporter était de piétiner les libertés fondamentales. Il a été immédiatement soutenu par Sarkozy. Les autorités politiques peuvent ainsi désormais interdire des réunions publiques et contrôler la presse.

 

Une nouvelle fois, les principaux responsables de ce déferlement de violence barbare appellent à l'union nationale. Ils tentent de retourner la situation dramatique à leur avantage pour étouffer l'indignation et la révolte. Ils ont pour cela un bouc émissaire tout trouvé, les musulmans. Nous refusons toute union nationale avec les responsables des guerres, la bourgeoisie, Hollande, Sarkozy et Le Pen. Nous dénonçons le racisme que distille l’État au nom de prétendues « valeurs de la république » au moment même où, sous couvert de lutte contre le terrorisme, ce sont les droits démocratiques qui sont menacés. Nous demandons la levée de l’État d'urgence.

 

La seule réponse aux guerres et au terrorisme est l'unité des travailleurs et des peuples, par delà leurs origines, leur couleur de peau, leurs religions, par delà les frontières pour se battre ensemble contre ceux qui veulent les faire taire, les soumettre, pour en finir avec ce système capitaliste qui engendre la barbarie.

Pour mettre fin au terrorisme, il faut mettre fin aux guerres impérialistes qui visent à perpétuer le pillage des richesses des peuples dominés par les multinationales, imposer le retrait des troupes françaises de tous les pays où elles sont présentes, en particulier en Syrie, en Irak, en Afrique.

 

 

https://npa2009.org

Montreuil, le 14 novembre 2015

 

Pour aller plus loin, quelques fragments de Julien Salingues

https://npa2009.org/idees/international/vos-guerres-nos-morts

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6 novembre 2015 5 06 /11 /novembre /2015 20:50
Crédit Photo:  À Tel Aviv le 24 octobre, des milliers d’Israéliens lors d’une manif organisée par le mouvement La paix maintenant. DR

Crédit Photo: À Tel Aviv le 24 octobre, des milliers d’Israéliens lors d’une manif organisée par le mouvement La paix maintenant. DR

« Maintenant c’est à votre tour d’avoir peur ». C’est ce que me disait il y a quelques jours une jeune étudiante palestinienne de l’Université de Bethléem, ajoutant : « Si j’étais courageuse, moi aussi j’attaquerais un colon ou un soldat, mais je suis trop peureuse pour être prête à mourir »...

Les attaques spontanées à l’arme blanche, couteau de cuisine ou tournevis, font émulation, et ce malgré le fait qu’elles soient devenues des opérations suicides, Netanyahou ayant donné l’ordre de tirer pour tuer sur quiconque attaquerait un Israélien. En appelant les citoyens à sortir armés, et à se servir de leurs armes sans hésiter, Netanyahou veut donner l’impression qu’il a une réponse à ce nouveau type d’attaques, mais les résultats ne plaident pas en sa faveur.

Que ce soit en Cisjordanie, à Jérusalem ou même sur le territoire israélien, les attentats se poursuivent et les forces de sécurité n’y peuvent rien, les jeunes, voire très jeunes, qui s’en prennent à des passants n’étant pas envoyés par des organisations. L’attaque peut venir à n’importe quel moment et de n’importe où.

 

Des discours menaçants, des actes répressifs

 

Les consignes du gouvernement ont créé un véritable Far West. Tout le monde tire sur tout le monde : des policiers ont déjà tiré sur d’autres policiers, des balles perdues ont blessé des passants israéliens, un immigrant érythréen a été lynché à mort parce que des passants l’avaient pris pour un Arabe... Et la liste s’allonge chaque jour.

La peur dont parlait cette étudiante est tangible : le soir, les rues sont vides, les centres commerciaux déserts, y compris à Tel Aviv pourtant éloignée de la ligne de feu, et même en plein jour, les échoppes du grand marché de Mahame Yehouda à Jérusalem ne font pas recette.

Pour donner l’impression qu’il contrôle la situation, le Premier ministre n’arrête pas de faire des discours menaçants et de promettre une nouvelle série de mesures répressives. Pour l’instant, il n’a réussi qu’à séparer Jérusalem Ouest des quartiers palestiniens de Jérusalem Est par des murs et des blocs de béton, ce qui est plutôt ironique pour celui qui a mené sa campagne électorale en accusant ses adversaires... de vouloir diviser Jérusalem ! En réalité, Netanyahou a été obligé d’imposer un retour au statu quo sur l’esplanade des Mosquées et de renforcer le rôle de la Jordanie sur le site, au-delà même de ce qui avait été conclu entre le Roi Hussein et Moshe Dayan en 1967, le célèbre « statu quo ».

Parmi les mesures répressives, on doit mentionner aussi la menace de retirer le permis de séjour de dizaines de milliers de Palestiniens de Jérusalem Est qui vivent dans la banlieue de la ville

 

Une minorité mobilisée pour la solidarité

 

L’extrême extrême droite au gouvernement profite de la situation pour faire de nouvelles propositions et rédiger de nouveaux projets de loi liberticides, en particulier contre la minorité palestinienne et ses partis politiques, avec, une fois de plus, la députée Haneen Zoabi en ligne de mire. La vice-ministre des Affaires étrangères Tzipi Hotovely a décidé de parcourir le monde pour rappeler qu’il n’y a pas de Palestiniens et que Dieu a donné la Palestine au peuple juif, et à lui seul...

Les mesures répressives ont le soutien de la grande majorité de la population israélienne, l’opposition du centre-gauche (« le Camp sioniste ») faisant même de la surenchère et critiquant le gouvernement qui ne serait pas assez ferme. Une centaine de morts palestiniens en un mois, ce n’est sans doute pas assez pour Yitzhak Herzog…

S’il y a eu des manifestations qui appelaient le gouvernement à plus de modération, la majorité de ce qui était, il y a 15 ans encore, le « mouvement de la paix » préfère dépenser son énergie à célébrer en masse le vingtième anniversaire de l’assassinat de Yitzhak Rabin... Cela plutôt que de se joindre aux mobilisations combatives de la minorité palestinienne d’Israël qui, grâce à l’unité construite pendant la dernière campagne électorale, multiplie les actions de solidarité avec leurs sœurs et frères de Cisjordanie.

 

De Jérusalem, Michel Warschawski

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4 novembre 2015 3 04 /11 /novembre /2015 20:42

Le 2 novembre est la journée symbole des inégalités salariales entre les hommes et les femmes dans l'Union européenne, peut-on lire sur le site d'info Les Nouvelles news.

Le salaire horaire moyen des femmes dans l'UE est inférieur de 16,3% à celui des hommes : cela correspond à une différence de 59 jours de salaire. C'est comme si les femmes n'étaient plus payées à partir du 2 novembre tandis que les hommes continuent de l'être.

Trois commissaires européens l'ont rappelé hier dans un communiqué, dans lequel ils soulignent que si l'on garde ce rythme là de réduction des inégalités, "nous devrons attendre 70 ans, soit deux générations, pour atteindre l’égalité salariale".

http://tempsreel.nouvelobs.com/en-direct/a-chaud/11336-egalite-depuis-lundi-femmes-europeennes-travaillent-pay.html

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1 novembre 2015 7 01 /11 /novembre /2015 22:20
Début octobre près de Ramallah, des jeunes palestiniens après un affrontement avec des soldats israéliens. DR
Début octobre près de Ramallah, des jeunes palestiniens après un affrontement avec des soldats israéliens. DR

Début octobre près de Ramallah, des jeunes palestiniens après un affrontement avec des soldats israéliens. DR

Une « troisième Intifada » est-elle en cours ? Jusqu’à présent, les pronostics de ceux qui ont cru, au cours des dernières semaines, voir se dessiner un nouveau soulèvement massif de la population palestinienne, ont été invalidés : la « troisième Intifada » tant redoutée – ou souhaitée – n’a pas eu lieu...

 

Une « troisième Intifada » est-elle en cours ? Jusqu’à présent, les pronostics de ceux qui ont cru, au cours des dernières semaines, voir se dessiner un nouveau soulèvement massif de la population palestinienne, ont été invalidés : la « troisième Intifada » tant redoutée – ou souhaitée – n’a pas eu lieu...

Cela ne signifie pas, bien au contraire, que la révolte en cours dans les territoires palestiniens et en Israël n’est pas l’expression d’une exaspération collective avec aux avant-postes, comme toujours, les jeunes.

 

Génération spontanée ?

 

En effet, il faut être aveugle pour ne pas voir dans les événements de ces dernières semaines, qu’il s’agisse des manifestations, des affrontements avec l’armée d’occupation et les colons, ou des attaques à l’arme blanche, la traduction de la révolte et de l’insoumission de milliers de jeunes Palestiniens et Palestiniennes. La moyenne d’âge des victimes de la nouvelle vague de répression israélienne se situe en effet en dessous des vingt ans, et on a même pu voir des jeunes de treize ans tenter de poignarder des soldats, tout en sachant pertinemment qu’en commettant de telles actions ils seraient abattus...

À en croire certains commentateurs ou responsables politiques, ces jeunes seraient « manipulés », « instrumentalisés », et envoyés à la mort par des organisations ou des leaders désireux de se repositionner dans le champ politique palestinien en s’appuyant sur une « radicalisation » qu’ils auraient provoquée. On a ainsi pu lire, ici ou là, que tel imam, tel responsable du Hamas ou tel dirigeant d’un groupe armé, tirerait les ficelles des événements en cours. Certains sont même allés jusqu’à accuser le paisible Mahmoud Abbas d’inciter les Palestiniens à la violence…

On croit rêver, ou plutôt cauchemarder. Les jeunes qui se révoltent aujourd’hui et qui sont prêts à mourir plutôt que de subir en silence ne sont manipulés par personne. Ils se révoltent contre une situation d’oppression et d’injustice manifestes, et n’ont pas attendu les appels ou les consignes des responsables politiques palestiniens pour entrer en action. Bien au contraire : ces derniers courent en réalité après les événements et sont dans l’incapacité d’offrir un cadre structuré et des perspectives politiques (revendications, modalités d’action, etc.) à la jeunesse palestinienne.

 

Génération 2000

 

Les générations palestiniennes se succèdent et ne se ressemblent pas toujours. L’Intifada de 1987 a été l’expression du ras-le-bol d’une génération qui n’avait connu que l’occupation. Le soulèvement de septembre 2000 fut en grande partie celui des désillusionnés du « processus de paix ». La génération qui s’exprime aujourd’hui est la « génération 2000 », qui n’a pas connu les années 1990 et la chimère du « processus de paix », qui n’a pas participé au soulèvement de septembre 2000 et qui n’est pas imprégnée des traditions politiques qui ont longtemps matricé la société palestinienne.

D’où le caractère spontané et désorganisé du soulèvement en cours, mais aussi son caractère explosif : ces jeunes sont sans avenir et sans espoir et, n’ayant rien à perdre, ils sont prêts à aller loin, très loin – jusqu’à la mort. À une ou deux exceptions près, aucun des jeunes qui ont mené des attaques à l’arme blanche n’était membre d’une faction politique, et aucun d’entre eux n’a tenté, à l’instar des auteurs d’attaques-­suicides dans les années 1990 et 2000, d’enregistrer ou d’écrire un message expliquant les motivations de son acte. Voilà qui devrait faire réfléchir ceux qui veulent voir derrière chaque jeune Palestinien la main de telle ou telle organisation – forcément « jihadiste » : la génération 2000 ne rend de comptes à aucune faction ou aucun leader politique, et elle a même tendance à bousculer le « vieux » mouvement national palestinien.

En effet, s’il est difficile de prévoir les développements à venir, nul doute que le soulèvement en cours laissera des traces : au sein de la société palestinienne tout d’abord, dans laquelle certains voient d’un très mauvais œil cette nouvelle séquence d’affrontements, peu propice aux affaires, qu’elles soient économiques ou politiques ; au sein du mouvement national palestinien ensuite, qu’il s’agisse du Fatah ou du Hamas, qui apparaissent plus que jamais en décalage avec les aspirations des franges les plus mobilisées de la jeunesse ; au sein de la génération 2000 enfin qui, si la répression se poursuit et s’intensifie, pourrait se radicaliser davantage encore et passer à la vitesse supérieure, sans demander l’autorisation à quiconque et sans tenir compte des avis hypocrites de ceux qui les enjoignent de faire preuve de « calme » et de « patience ».

 

 

Julien Salingue

http://www.npa2009.org

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